Histoire du meuble (suite)
LE DECLIN
Dans les années 60-70, c'est l’âge
d’or et l’argent coule à flot. Tout semble
aller pour le mieux, entre autres à Victoriaville,
dans les usines de meubles. Les statistiques affichent des
perspectives des plus prometteuses pour l’avenir.
Combien de temps cela allait-il durer? Les limites du possible
sont alors poussées à l’extrême.
Devant l’ampleur de l’inflation galopante, le gouvernement fédéral entreprend,
en 1975, une lutte drastique en instaurant un programme
de contrôle des prix et des salaires, le premier du
genre en temps de paix. A ce moment les salaires sont rigoureusement
plafonnés et coupés provoquant ainsi une très
forte résistance du mouvement ouvrier. Des luttes
dures débouchent sur une première grève
générale de 24 heures au Canada et déclenchent
une série de grèves dans tous les secteurs
d’emploi.
Ce phénomène a des répercutions immédiates
sur les entreprises de la région. Les conventions
collectives arrivant à échéance, les
syndicats adoptent des positions fermes quant à leurs
revendications, encouragés par les tendances générales
affichées partout à travers le pays. Les hausses
salariales constituent l’objet principal des litiges.
Les travailleurs du meuble à Victoriaville veulent
rattraper le niveau moyen de salaire alloué dans
la région de 141,63 $ par semaine. À ce moment,
le salaire hebdomadaire moyen payé à Victoriaville
Furniture est de 129 $. L’employeur propose des augmentations
entre 0,40 ¢ et 0,50 ¢ de l’heure pour les
deux années de la convention, sans possibilité
d’ouverture de contrat et un maintien de la semaine
de travail à 42 heures et demie. Cette proposition
est rejetée et on continue de réclamer fermement
0,70 ¢ et 0,95 ¢ plus certains bénéfices
marginaux. On demande également l’abolition
du système de boni et on négocie les clauses
de sécurité d’emploi et d'ancienneté.
Après trois mois et demi de grève, au printemps
de 1975, les employeurs répondent aux attentes des
travailleurs, signant ainsi, selon eux, leur arrêt
de mort.
En octobre 1975, le gouvernement fédéral
adopte une autre mesure économique restrictive, soit
une très forte hausse des taux d’intérêt.
Comme l’expansion rapide de la compagnie de Lucien
Arcand avait nécessité des emprunts énormes,
cette disposition gouvernementale imprévue augmente
alors les frais administratifs de façon considérable,
entraînant une difficulté de remboursement
infranchissable. Cette politique monétaire provoque
des déficits considérables et accule plusieurs
entreprises à la faillite. On assiste alors à
une vague de fermetures d’usines et de mises à
pied.
Considérant ces faits, nous comprenons
pourquoi la Cour Supérieure doit alors rendre publique
la faillite des compagnies le 28 juillet 1977, pour un montant
de 4,8 millions de dollars. Les fermetures d’entreprises
encourues touchent ainsi Victoriaville Furniture, Victoriaville
Specialties, Victoriaville Upholstering, Polydesign et mettent
au chômage plus de 800 personnes.
LA RELANCE ET LA FIN À VICTORIAVILLE
Le secteur du meuble vient de s'effondrer
avec la disparition du groupe des entreprises de Lucien
Arcand, à la grande stupéfaction de toute
la population. Le centre-ville, continuellement animé
par le va-et-vient des employés des usines de meubles
est désormais paralysé. Allait-on laisser
disparaître Victoriaville Furniture, cette usine-mère,
sans aucune réaction?
Face à la vente imminente par encan,
de l'équipement et des installations, par RoyNat
(société de financement) et la Banque Canadienne
Nationale, cinq cadres, anciennement de la compagnie Victoriaville
Furniture, dont Yvan Roy, proposent d’acheter l’entreprise.
Le montant alors réclamé s’élève
à 1,2 millions de dollars.
Après plusieurs négociations, avec l’aide du Ministère
de l’Expansion économique régionale
(MEER), un prêt spécial de la Société
de développement industriel du Québec (SDI)
et grâce au support de quelques hommes d’affaires
de la région, Yvan Roy et son équipe réussissent
à ramasser le montant attendu. En novembre 1977,
Yvan Roy (président et gérant des ventes),
Yvon Gagné (vice-président et directeur d’usine),
et Denis Beauchesne deviennent propriétaires des
«Industries Victoriaville inc».
Avec une équipe de 200 employés on réussit à vendre pour 8,5 millions de meubles
de production haut de gamme, en 1981. Les ventes dans l’ouest
accaparent le marché pour 37 %, l’Ontario pour
28 %, le Québec 30 % et les Maritimes 5 %. Les meubles
en chêne volent la vedette. Un style canadien, en
pin, est également très populaire à
ce moment.
Satisfaits des succès encourus et des progrès constants de l’entreprise on procède
à l’amélioration des installations et
équipements en 1981 pour un montant de plus de 670
000 $. Une subvention gouvernementale aide à réaliser
ce projet.
Conscient de la compétition croissante:
augmentation progressive du nombre de fabricants de meubles
québécois et importations étrangères;
obsédé par les faillites nombreuses de l’époque,
marqué par celle vécue au sein du Groupe Lucien
Arcand, Yvan Roy reste branché sur la réalité
de ses contemporains, luttant pour sauvegarder ses acquis.
L’heure est à l’analyse, à la
prudence, à la gestion sage des opérations.
Son objectif principal est de maintenir une rentabilité
satisfaisante pour demeurer dans la course, sans plus d’ambition.
Le groupe Yvan Roy réussit à concrétiser
son projet en administrant l’usine pendant sept ans.